Cette propriété des Tonneaux, appelée « château des
Trois-Tonneaux » sur certaines cartes postales est située au numéro 126 de la rue
Tonnelle.La propriété qui porte ce nom le doit à la remarquable cave qui s'y trouve.
Cette cave se compose de vingt-trois caveaux et les six premiers contiennent encore chacun
un immense tonneau en pierre qui justifie le nom « les Tonneaux ».
Au Xe siècle, cette propriété faisait partie du fief de l'aleu de Tesse. Ce fief, qui
se composait de 160 arpents de terres et de vignes d'un seul tenant, était limité au
midi par la Loire, à l'ouest par le chemin de Vaugenet, à l'est par le chemin du Coq ;
au nord, il s'étendait jusqu'à Charentais. On y trouvait quatre pressoirs, le pressoir
Viot, le pressoir Fondu, le pressoir Cornu et le pressoir de Pierre. Il appartenait au
chapitre de Saint-Martin. C'est seulement au IXe siècle que l'on reconnut les avantages
de la plantation des vignobles sur les collines. Des documents de cette époque désignent
les vignes du coteau de Saint-Cyr et spécialement celles du fief de l'Aleu de Tesse.
Voici ce qu'écrivait, en 1890, Léon Lhuillier.
Au début du XIVe siècle, la propriété des Trois Tonneaux, d'environ trois hectares,
appartenait à un nommé Jean Michou. Ce nom ne paraît pas celui d'un riche seigneur et
nous lisons même qu'en 1300 il emprunta une certaine somme d'argent. Besogneux, sans
doute, il vendit sa propriété en 1330, le mardi après les Rameaux à Étienne de
Mornay.
Donc en 1330, « Les Trois tonneaux » ou simplement « Les Tonneaux » appartenaient à
Étienne de Mornay, l'un des seigneurs les plus riches et les plus puissants de France.
Étienne de Mornay était le doyen de Saint-Martin en 1315, chancelier du roi Louis X et
maître des comptes en 1322. Il avait des relations avec toutes les familles dont les
armoiries sont peintes aux « Tonneaux » et quand il accompagnait le roi, sa voiture
était attelée de dix ou douze chevaux. Il semble donc être le seul propriétaire qui
ait pu se permettre un tel luxe dans sa cave.On peut se demander pourquoi une semblable
décoration a été entreprise dans un endroit absolument obscur et humide. Nos
aïeux avaient la vieille habitude de se réunir dans leurs caves soit pour y passer la
veillée comme en Bourgogne, soit pour y boire du vin après avoir joué à « la Paume
», comme le fit le roi Louis X en 1316. Cette coutume fut même funeste au royal buveur
car la fraîcheur du lieu le rendit gravement malade et le fit mourir quelques jours
après. La décoration des « Tonneaux » ne peut donc plus nous surprendre et nous devons
y reconnaître le lieu d'une de ces joyeuses réunions si fort en usage au Moyen âge.
Étienne de Mornay/ dont le testament fait connaître les détails d'un train de maison
tout à fait luxueux, ne sortait pas des habitudes familières aux personnes de son rang
et de sa condition en dégustant dans une cave de sa maison de campagne les vins
généreux dont la Touraine est si fière.
Cependant, notre riche doyen ne jouit pas longtemps de cette somptueuse maison car il
mourut le 31 août 1332 après l'avoir léguée au chapitre de Saint-Martin.
Au XVIIIe siècle, la propriété appartenait à la famille Goutard. François Goutard,
grand juge consul, administrateur de l'hôpital général, ancien échevin de Tours, y est
mort en 1765 à l'âge de 87 ans. En 1787, on enregistre, en la maison des Trois Tonneaux,
le décès à l'âge de 63 ans de Mathurin Julien Goutard, maître en chirurgie,
professeur des accouchements.
Au XIXe siècle, la propriété appartint à Julien Fournier, peintre verrier, à qui nous
devons la chromolithographie de la cave peinte. Au bas d'une rampe d'accès de 25 mètres
de long, nous entrons dans une vaste salle rectangulaire de 10 mètres de long, 4,20
mètres de large et 5 mètres de haut. Elle est voûtée en plein cintre et offre encore
les restes d'une décoration que nous étudierons en détail par la suite. A gauche de
l'entrée, plusieurs galeries de 70 mètres de long sur 2 mètres de large et autant de
haut. Elles sont creusées dans le sol calcaire de la colline.
De chaque côté de ces galeries des caveaux, il y a en tout 23 caveaux et les 6 premiers
contiennent encore chacun un immense tonneau en pierre. Ces tonneaux sont construits avec
des dalles de pierre d'environ 0,20 mètre d'épaisseur. Ils ont, intérieurement la forme
d'un tonneau de bois. A la partie supérieure, la bonde, est remplacée par une pierre
carrée de 0,40 mètre de côté permettant le passage d'un homme (contenance moyenne de
chaque tonneau :15 hectolitres). A la partie inférieure de chaque tonneau, il y a une
ouverture pour placer un robinet et au-dessous se trouve une petite auge en pierre pour
recevoir le liquide qui pourrait se perdre pendant la manipulation. Sur le fond et à
l'intérieur du premier tonneau, à droite en entrant, se trouve l'inscription suivante :
Eugène
Baron et Eugène Marcault ont restauré ces tonneaux en 1791. Ces citoyens étaient des
maçons de Rochecorbon, à côté de la lanterne. Ces deux individus aimaient bien le bon
vin. A quelle époque remonte cette remarquable installation vinicole ? Elle doit être
antérieure au XIVe siècle. En effet, les 23 caveaux peuvent contenir 400 hectolitres de
vin (ce qui correspond à la récolte moyenne de plus de 20 hectares) ; or, en 1330, la
propriété des Tonneaux avait à peine 3 hectares de vignes.
D'autre part, l'archéologue Beaumesnil, chargé de mission en 1784 par l'Académie des
Inscriptions et Belles Lettres, visita cette cave et inscrivit aubas d'un dessin
représentant un des tonneaux :
TONNEAU ROMAIN, PAROISSE DE SAINT-CYR PRES DE TOURS
Vers 1860, les ouvriers qui creusèrent le puits de la propriété des Tonneaux
découvrirent à une certaine profondeur au-dessous des caves décrites ci-dessus une
longue galerie se dirigeant du nord au sud. Quelques-uns l'explorèrent
du côté du Midi, vers la Loire, mais il leur fut impossible d'aller jusqu'au bout à cause des éboulements. Cette galerie
était capable de laisser passer une charrette. Elle devait, sans doute, conduire vers la
Loire et vers la route de Tours à Angers qui la borde de façon à permettre le transport
facile des vins recueillis dans la fameuse cave.
Au Moyen Age, les seigneurs, d'après une habitude romaine, vendaient leur vin par
l'intermédiaire d'un tenancier dans une sorte de cabaret qu'on nommait un étal. D'après
un titre de 1300, un étal de cette sorte est signalé près du port et du bourg de
Saint-Cyr. Les propriétaires de la cave des Tonneaux écoulaient ainsi le vin qu'ils ne
désiraient pas conserver pour leur consommation personnelle et contribuaient à faire
apprécier, au dehors, le liquide généreux que produisaient les collines de l'Aleu de
Tesse. C'est dans cette cave, dit-on, que Louis XI, venant de Plessis-les-Tours, aimait à
se rendre avec son conseiller Tristan Lhermite pour déguster ce cru réputé.
REF . Saint-cyr sur Loire une commune à la recherche de son passé
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